de Léonora Miano

Éditions Grasset Août 2013

Léonora Miano est née en 1973 à Douala, au Cameroun, où elle passe son enfance et son adolescence, avant de s'installer en France en 1991.
Elle est notamment l'auteur de six romans dont « L'intérieur nuit » paru en 2005, « Contours du jour » Prix Goncourt des lycéens 2006.

Dans « La saison de l'ombre », Léonora Miano évoque un sujet douloureux s'il en fût, celui de l'esclavage. Nous nous trouvons en Afrique subsaharienne, quelque part à l'intérieur des terres, dans le clan Mulongo.
Leonora_Miano.jpg Il y a eu un incendie dans le village. Personne ne sait comment cet incendie a pu démarrer. La seule réalité, c'est qu'il a détruit beaucoup d'habitations du village. Et, fait encore plus curieux, les jeunes hommes du village qui étaient au moment de l'incendie à l'extérieur du village, initiés par deux anciens, au passage de l'âge adulte, ont disparu avec les deux anciens. Personne ne sait ce qu'ils sont devenus.
Tout le village est perturbé. Premières accusées de la situation, les mères des jeunes disparus. Si leurs fils sont introuvables, c'est qu'elles ont dû faire quelque chose qui ne convenait pas aux dieux.
Elles sont donc mises aussitôt à l'écart, reléguées dans une habitation isolée du village
On les accuse aussi d'être responsables de l'incendie.
Les anciens présents se réunissent pour voir quelles vont être les suites à donner à cet événement incroyable et jamais encore advenu.
Les Mulongos sont loin de se douter que l'enjeu est tout autre. Ils pleurent leurs disparus, accusent des membres de leur clan, s'affaiblissent intérieurement, alors qu'ils auraient besoin de se serrer les coudes pour faire face à une adversité nouvelle. Leurs croyances ne leur donnent pas la possibilité de réagir comme il faudrait.
Ils ignorent totalement que le Mal institutionnalisé puisse exister, que tout une organisation s'est mise en place au profit de certaines tribus, et d'étrangers venus de l'au-delà des mers.
C'est une tribu pacifiste, pour qui le recours aux armes et à la violence doit rester très exceptionnel. Elle ne peut penser qu'une tribu voisine et amie avec qui elle commerçait puisse avoir de mauvaises intentions envers elle.

Léonora Miano sait merveilleusement bien restituer l'esprit et les croyances d'un peuple africain pris à ses propres pièges, englué dans des traditions qui ne leur permettent pas de faire face à des situations nouvelles. Elle montre bien la connivence qui a existé entre certains africains et les « étrangers » venus de l'au delà de l'océan, connivence qui a abouti à asservir des hommes, des femmes, des enfants, toute une partie du peuple africain qui a payé un lourd tribu à la colonisation des Amériques.
J'ajoute que la langue utilisée par l'auteur, le choix des mots, la musicalité des phrases , la restitution au plus près de l'esprit africain, font de ce livre « La saison de l'ombre », un grand roman qui marque profondément le lecteur.
Cette histoire du clan Mulongo nous fait comprendre comment tant de gens ont pu être « enlevés » de ce continent sans qu'une résistance organisée ait pu être constituée.
A lire pour l'intensité et la profondeur du texte et la beauté de la langue.
Ce livre a reçu en 2013 le prix Femina et le grand prix du roman Métis.