de Uwe Tellkamp

Éditions « J'ai lu » Juillet 2013

Uwe Tellkamp, né à Dresde en 1968, appartient à la dernière génération dont l'adolescence et la formation ont eu pour cadre un pays « soviétisé ». Il a fait son service militaire (de trois ans) comme tankiste pendant la révolution de 1989, en refusant de tirer sur la foule. Emprisonné pour avoir manifesté contre le régime, il entreprend la rédaction de «La Tour», qui raconte la vie en Allemagne de l'Est dans les années 80. Avec ce livre, il a obtenu «le Prix du Livre Allemand» en 2009 et le Prix Littéraire de la Fondation Konrad Adenauer.
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Son roman est bien plus qu'une chronique romancée des sept dernières années de la RDA, depuis la mort de Brejnev jusqu'à l'ultime dissolution. Par son style qui emprunte au registre fantastique autant que par ses côtés rugueux ou oniriques, ce roman ne se contente pas de raconter.
Il y évoque les souvenirs d'un monde disparu, un monde qui s'est délité au fil des ans, juste avant la chute du mur, au travers d'une famille : les Hoffmann.
Méno, l'oncle, est correcteur dans une maison d'édition, il se doit de composer avec la censure.
Richard, chirurgien de la main renommé (ce qui le protège), a deux fils, dont Christian, héros principal du roman, et une fille adultérine, ce qui permettra à la Stasi de le faire chanter.
Christian est un élève brillant, il veut faire médecine comme son père. Mais son parcours sera rendu chaotique du fait d'un caractère contestataire hérité de l'éducation familiale qu'il a reçue.
L'on plonge dans le milieu bourgeois, celui des Hoffmann évoqué ci-dessus, dans le milieu littéraire, avec les auteurs reconnus et ceux qui sont mis sur la touche par le régime, n'étant pas assez dans la ligne, dans le milieu de l'administration sclérosée et rigide (le lycée, l'hôpital, l'armée).... sur lesquels pèsent une véritable chape de plomb de silence et de peur.
Uwe Tellkamp fait revivre l'Allemagne de l'Est, sans nostalgie, dans ses ultimes soubresauts d'absurdité et de cauchemar.
Il dissèque de façon chirurgicale un système en voie de disparition, en bon médecin qu'il est, ambiance crépusculaire d'une période confite en tristesses et résignations, amertumes et petites lâchetés, en détresses folles et rébellions vaines.
Les phrases de Uwe Tellkamp peuvent être très longues. Il a un goût du détail très poussé. Le cheminement de l'histoire n'est pas toujours linéaire.
Et pourtant, après un démarrage «lent» dans la lecture, une adaptation à sa façon de raconter, le lecteur finit par être véritablement «scotché» au livre de 1339 pages, à ne plus pouvoir le lâcher !
C'est un « très grand livre», une épopée, un véritable chef d’œuvre admirablement traduit en français par Olivier Mannoni.
A lire impérativement.