Catherine Cusset

Editions Gallimard Juin 2016

Catherine Cusset est un auteur que j'aime beaucoup. Elle est née en 1963 à Paris. Son premier livre est sorti en 1990. Mais c'est en 1999 qu'elle marque un grand coup avec "Le problème avec Jeanne".

Ce livre, puis « La haine de la famille » 2001,« Un brillant avenir » 2008 appartiennent au Panthéon des livres que j'ai particulièrement aimé.

Son nouveau livre se situe au même niveau que les trois précédemment cités.
« L'autre qu'on adorait » reprend en titre un passage d'une chanson de Léo Ferré.
Catherine_Cusset.jpg Et ce n'est pas un hasard.



Car l'ami disparu que l'auteur fait revivre sous nos yeux est un fou de musique, son Ipod toujours près de ses oreilles ; Thomas s’enivre de tous les genres, Blues, jazz, classiques, chanteurs de bonnes variétés..... , c'est son refuge, son évasion, son havre.
Thomas, copain du frère de Catherine Cusset, a été un amant, avant de devenir un grand ami de l'auteur. Tout au long de leurs vies, ils se sont « suivis », jamais entièrement quittés, ou ignorés,
ils ont partagé leurs bons et mauvais moments, quelques soient les kilomètres qui ont pu les tenir à distance.
Mais voilà, un jour, à 39 ans, Thomas s'est retrouvé seul avec lui-même, face à sa maladie psychique (la bipolarité diagnostiquée tardivement), face à ses échecs de carrière, dans diverses universités américaines, face à ses impasses d'une vie privée qu'il a eu très agitée.
Alors au moment ultime, et malgré la présence de sa famille (le père, la sœur) et de ses ami(e)s, il a franchi l'inéluctable seuil, celui dont on ne revient pas.
D'une écriture incisive, rythmée, précise, l'auteur court littéralement tout au long de son récit. Elle nous dit Thomas, tel qu'elle l'a vu, perçu, aimé, rejeté, apprécié, bousculé.
Elle a voulu refaire tout le parcours qui l'a amené jusqu'au geste fatidique.
C'est un parcours à la fois long et court, un parcours fait de moments d'enthousiasme et de moments de profonde déprime.
Elle a dû, on imagine, interroger toutes les personnes que Thomas a croisées, visiter tous les lieux, universités américaines, villes, campus, logements successivement habités, sans oublier les parenthèses de sa vie parisienne. Elle a voulu le faire revivre, et elle le fait à merveille, quel plus bel hommage ainsi lui rend elle !
Et il vit et revit tout au long des 290 pages .... celui qui voulait devenir écrivain, est devenu sujet de livre.
C'est en quelque sorte sa part "d'immortalité", que Catherine Cusset lui offre.
Comme si, se sentant coupable de n'avoir pas "su être là au bon moment et au bon endroit", l'auteur avait voulu se "racheter" par ce livre qui ne le ménage pas, certes, mais qui nous le fait aimer avec ses qualités et ses défauts, et qui nous le fait regretter, véritable tour de force de l'auteur.
C'est l'un des très rares livres lus, qu'à peine terminé, j'ai envie de relire, regrettant d'avoir à le quitter.